Re: Matrix 3 Revolutions
Bon avant toutes choses, je tiens à préciser que je pense toujours ce que j'ai écrit sur les critiques là, cette page est essentiellement une réponse ouverte à la critique de Laurent, j'y ferai donc plusieurs références, plus ou moins subtiles1; j'invite donc vivement tout lecteur de cette page à commencer par celle de Laurent.
Je vais donc tenter ici d'expliquer pourquoi je ne regrette pas le temps que j'ai consacré à ce film. Peut-être que j'ai été trop conditionné par toutes les critiques négatives que j'ai pu avoir de ce film, et donc n'espérant pas grand'chose j'ai peut-être eu mieux que ce à quoi je m'attendais. Évidemment tout ça n'engage que moi, et les âmes sensibles devraient peut-être ne pas lire plus de cette page, des fois que, on ne sait jamais avec moi.
1. L'émotion
Je ne me rappelle plus à quels endroits exacts, mais qu'importe ? Le fait est qu'à plusieurs reprises dans ce film j'ai ressenti des émotions, j'ai été ému, et souvent c'est la seule chose que j'attends d'un film. Alors à ce stade vous pourriez penser que je suis une tapette, que je suis super-émotif, que je suis tombé dans le piège béant d'une reconstitution complètement artificielle et commerciale de pseudo-sentiments. Peut-être même auriez-vous raison. Et alors ?
Alors rien. J'ai eu ce que je voulais, je suis satisfait.
2. La mythologie
Bon en fait cette partie considère pas vraiment le film tout seul, mais le film vu dans le contexte de la trilogie, voire même la trilogie par elle-même comme un tout.
Un élément qui me fait classer un film comme "bon" est le monde, l'univers qu'il permet de découvrir, comme une mythologie. Et dans ce cadre, la trilogie matricielle me donne une toute nouvelle mythologie, et ça me plaît. C'est vrai que de ce point de vue là, le premier épisode apporte beaucoup plus que les autres parce qu'il pose les bases de cet univers, et les deux suivants ne font que rajouter quelques éléments.
Car j'ai effectivement l'impression d'un nouvel univers qui est présenté. Je suis peut-être trop naïf et indulgent, mais ces éléments qui se rajoutent dans les deux derniers épisodes, peut-être un peu trop artificiellement, comme le coup de la source, de l'architecte, du train, etc; j'essaye de voir ça comme un seul univers stable et cohérent dont on aurait qu'un aperçu subjectif, et par conséquent incomplet et parfois partiellement érroné et éventuellement corrigé. C'est une façon de présenter un univers que j'aime bien, au point de m'en servir moi-même2. À partir de là c'est parfaitement possible qu'ils ne fassent pas comme moi, partir d'un univers cohérent et complet pour n'en montrer qu'une vision déformée par la subjectivité à chaque fois; peut-être qu'effectivement conformément aux apparences ils ont fait un univers complet et cohérent pour le premier, et qu'ensuite ils ont rajouté le reste comme une deuxième et une troisième couche de peinture. Mais peu importe la réalité, pour que je passe un bon moment en regardant un film la seule chose qui entre en ligne de compte c'est ce que je crois. Un peu comme si là où d'aucuns voient des incohérences je ne voyais qu'une lourdeur du narrateur que je laisserais de côté pour me concentrer sur l'histoire narrée.
Prenons quelques exemples pour illustrer cette belle théorie. Dans le deuxième épisode, le Mérovingien énonce quelques "pensées philosophiques", qui du point de vue de l'histoire représentent la façon de voir le monde pour ce personnage. Il me semble donc qu'on puisse parler de philosophie du personnage, et c'est le terme que j'emploierai. Cette philosophie donc peut sembler pour le moins simpliste, mais s'il faut plusieurs livres à des philosphes pour faire passer leur message, on ne peut pas vraiment en attendre beaucoup de la part de dix minutes de film. Mais on peut supposer qu'il y a une vraie philosophie derrière, et alors on se rend compte que cette philosophie colle incroyablement bien avec le personnage: pour un programme informatique tout est par essence déterministe, c'est simplement une recette appliquée à des entrées pour obtenir des sorties; par conséquent pour un programme incapable d'imaginer une autre nature que la sienne (ce qui est le cas pour l'humanité, et donc a fortiori pour toutes les formes d'intelligence connues actuellement) tout ce qui arrive, tous les comportements ne sont que des sorties qui sont les conséquences directes des entrées. Pas de liberté, pas de choix possibles; il n'y a que la compréhension des entrées (causes) qui puissent donner un pouvoir (les sorties qu'on veut). Je ne dis pas que c'est une philosophie profonde, ou une bonne philosophie, mais c'est une philosophie en cohérence avec le personnage. Que demander de plus ?
Sur le même principe, les réflexions de l'oracle sur le choix sont aussi cohérentes, l'oracle serait seulement un programme qui aurait compris les liens entre causes et effets, et par conséquent saurait à l'avance les sorties au vu des entrées actuelles. Qu'est-ce qu'un choix qu'on ne comprend pas sinon une sortie dont on ne voit pas le lien avec les entrées ?
Un autre exemple est l'équilibre des forces. C'est un concept que je n'aime pas trop personnellement, mais il donne une certaine cohérence à divers éléments, et surtout il fait partie de l'univers; donc je peux dire que je n'aime pas cet aspect de l'univers décrit tout en appréciant la description de cet univers et en étant satisfait d'avoir eu cette description. On remarque dans ces trois épisodes une symétrie presque parfaite entre l'agent Smith et Neo: au début ils ne sont que "normaux", des élements de leur camp parmi d'autres; presque au moment où Neo accepte la mission d'élu (qu'est-ce que ce mot est moche !) Smith change de statut pour devenir en quelque sorte un anti-élu. Ensuite ils développent progressivement et parallèlement leur pouvoir. Le point culminant de leur pouvoir se trouve lors de la "baston finale" (ok, j'ai pas tellement aimé cette scène, mais je n'aime pas trop les scènes de baston en général), et leur fin est exactement simultanée. Ainsi c'est comme si l'univers restait parfaitement équilibré entre les deux camps.
Un dernier exemple est la coexistence dans la matrice de l'oracle et de l'architecte, qui sont complètement opposés, l'un veut deséquilibrer les équations et l'autre veut les rééquilibrer. Et là on se rend compte que lorsqu'on est face à un dilemme, genre "la production est-elle meilleure si les équations sont équilibrées ou si elles ne le sont pas ?", une méthode pour le résoudre est de mettre les deux en compétition et de voir lequel l'emporte. Ce n'est pas sans précédent, les mutations et la sélection naturelle c'est exactement ça. Et finalement la bonne conclusion est peut-être que la meilleure production est obtenue pour des équations un peu désequilibrées mais pas trop, la neutralité entre l'ordre et le chaos. Alors chacune de ces deux entités servirait à réguler l'autre.
Évidemment à ce point on peut me dire que c'est du délire total, qu'il n'y a jamais tout ça dans ces films, et que c'est une surinterprétation de mon imagination. C'est probablement vrai. Là où certains verraient un scénario fin comme du fil de fer, je vois un volume dont le scénario réel n'est que le squelette. Moi ça me convient.
3. L'homme ne voit que ce qu'il veut voir
On peut remarquer que dans tout ce texte je n'ai développé que des points positifs, et de la même façon dans sa critique Laurent n'a évoqués que des points négatifs. Alors oui, c'est vrai, je suis d'accord avec la plupart, sinon tous, les défauts qu'à évoqué Laurent, et ce sont des points qui me gênent pour apprécier la pureté de ce que j'imagine être derrière. J'ai passé un bon moment en regardant ce film, et même en regardant ces films, peut-être simplement parce que j'ai choisi de ressentir les points positifs. Maintenant sont-ce des films excellents pour autant ? Non, et c'est la raison d'être de ce paragraphe. Quand j'aime ou que je déteste (ou tous les intermédiaires) un film ou n'importe quoi d'autre, je ne cherche en général pas à comprendre pourquoi. J'ai développé des élements ici qui ont fait que j'ai apprécié ces films, ce ne sont probablement pas les seuls, mais je ne les classe pas parmi les chefs-d'œuvre. Parce que lorsque je tombe face à une vidéo que j'aime vraiment, je dois faire un effort de volonté monstrueux et souvent vain pour ne pas la repasser une autre fois juste après la fin. Et d'après ce critère absolu, ce ne sont pas des films excellents, à mon point de vue. Contrairement à Final Fantasy par exemple. Mais s'il y a des brochures de Laurent en rab, je suis quand même preneur.
Notes:
1 Probablement plus moins que plus, mais bon.
2 D'accord, ça ne veut rien dire, y a des gens qui utilisent des procédés qu'ils détestent. Bon c'est pas mon cas et il ne vous reste plus qu'à me croire sur parole.
Ce commentaire, écrit par le Sphinx, se lie mieux avec un cerveau, qu'avec un pigeon voyageur. Allez comprendre pourquoi...